Accompagner les jeunes… tel Jésus sur les chemins d’Emmaüs [1]

« Le même jour, deux disciples faisaient route vers un village appelé Emmaüs, à deux heures de marche de Jérusalem, et ils parlaient entre eux de tout ce qui s’était passé. »[2]
Cléophas et son ami quittent Jérusalem… Tout comme les jeunes s’éloignent parfois de ce qui fait le cœur de notre foi chrétienne, de ce qui pour nous est essentiel pour vivre… Comment alors pouvoir les rejoindre ? Nous avons tant envie de leur partager la joie de l’évangile, la joie de la rencontre avec le Christ Ressuscité ! Mais comment les accompagner ?
Une fois encore, nous sommes invités à nous mettre à l’école du Christ.
« Or, tandis qu’ils s’entretenaient et s’interrogeaient, Jésus lui-même s’approcha, et il marchait avec eux. Mais leurs yeux étaient empêchés de le reconnaître. »[3]
Ce qui est incroyable dans ce récit, c’est que Jésus ne leur dit pas « Stop ! Demi-tour ! », même s’il sait que l’avenir se joue à Jérusalem et qu’Emmaüs est une impasse. Jésus les rejoint sur leur route et va même jusqu’à les accompagner dans le mauvais sens ! Non pas pour se compromettre avec eux… Mais car il sait bien, lui, Jésus, que la meilleure manière de rencontrer l’autre, c’est de faire un bout de route avec lui.
C’est ce que j’appellerais la « pastorale du Trek », du nom de ces grandes randonnées qui invitent à l’aventure, au dépassement de soi et à la découverte de nouveaux horizons, horizons intérieurs aussi… Marcher avec les jeunes, faire un bout de chemin ensemble, car notre vie de foi est itinérante, à l’image d’un pèlerinage. Comme pour un trek, l’important dans l’accompagnement est d’accepter de cheminer avec les jeunes, de « perdre » du temps avec eux.
L’important, c’est toujours, d’abord, savoir rejoindre. Rejoindre à bonne distance : suffisamment proche pour ne jamais être indifférent, suffisamment distant pour ne pas être indifférencié. Tel est l’art de l’apprivoisement pour construire une relation éducative.
« Jésus leur dit : "De quoi discutiez-vous en marchant ?" Alors, ils s’arrêtèrent, tout tristes. L’un des deux, nommé Cléophas, lui répondit : "Tu es bien le seul étranger résidant à Jérusalem qui ignore les événements de ces jours-ci." »[4]
Jésus prend l’initiative d’entamer le dialogue. Ce qui va sauver Cléophas et son ami, c’est leur acceptation de parler. Ils acceptent de communiquer parce qu’ils se sont sentis rejoints dans leur souffrance, leur doute et leur questionnement… et qu’ils se sont sentis en confiance. Offrir aux jeunes un espace de dialogue afin que les jeunes puissent parler d’eux, de leur histoire, de leurs joies et de leurs difficultés… Jésus se tait et écoute sans rien dire. Il sait bien l’importance de l’écoute. Le plus difficile dans l’accompagnement est d’apprendre à écouter en profondeur et jusqu’au bout, même si l’on a plein de choses à dire et d’explications à donner. Se mettre à l’écoute, c’est aider les jeunes à trouver les mots justes pour exprimer ce qu’ils vivent, attendent, et ressentent au fond d’eux-mêmes.
« Il leur dit alors : "Esprits sans intelligence ! Comme votre cœur est lent à croire tout ce que les prophètes ont dit ! (…)". Et, il leur interpréta, dans toute l’Écriture, ce qui le concernait. »[5]
Jésus prend ensuite la parole pour relire avec eux l’histoire et y apporter un éclairage nouveau. Combien il est important pour les jeunes de pouvoir trouver sur leur route des adultes crédibles qui, comme Jésus, soient capables de leur ouvrir des horizons nouveaux, de rendre possible l’ouverture vers le changement, de leur faire découvrir la richesse de la foi en Dieu, en un Dieu qui se fait si proche de chacune de nos réalités de vie.
« Alors leurs yeux s’ouvrirent, et ils le reconnurent, mais il disparut à leurs regards. Ils se dirent l’un à l’autre : "Notre cœur n’était-il pas brûlant en nous, tandis qu’il nous parlait sur la route et nous ouvrait les Écritures ?" À l’instant même, ils se levèrent et retournèrent à Jérusalem. »[6]
Une fois terminé son travail d’accompagnement, Jésus peut disparaître. Cléophas et son ami, par l’apport de cette rencontre, sans aucune injonction, vont faire demi-tour pour repartir vers Jérusalem. Ils reprennent le chemin vers la Vie en abondance que le Seigneur leur offre. Ils tournent le dos aux regrets du passé et rouvrent un avenir avec le Christ. Le rôle de l’accompagnateur consiste justement à permettre un éclairage sur la vie, à partir de la lumière qu’est le Christ. S’il faut savoir rejoindre, il faut également savoir se retirer, car nous ne pouvons jamais prendre une décision à la place des jeunes que nous accompagnons.
« Seigneur,
Nous te prions pour les jeunes.
Aide-nous à trouver les mots et les gestes qui les rejoignent,
qui les ouvrent à ta Parole et aux trésors de notre foi.
Qu’ils y trouvent force, joie et espérance
pour devenir à leur tour témoin de Toi, toujours à l’œuvre. »[7]
Abbé Emmanuel de R.
Pastorale des jeunes
[1] Réflexion sur base du livre de Jean-Marie Petitclerc, « Accompagner un jeune blessé sur les chemins d’Emmaüs », aux éditions des Béatitudes, 2006.
[2] Lc 24,13-14.
[3] Lc 24,15-16.
[4] Lc 24,17-18.
[5] Lc 24,25-27.
[6] Lc 24,31-33.
[7] Extrait d’une prière